ANIMATION AUTOUR D'ERNEST ET CELESTINE
DE BENJAMIN RENNER, VINCENT PATAR ET STEPHANE
AUBIER
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- Présentation du film
Ernest
et Célestine est un film d'animation français, belge et luxembourgeois de
Benjamin Renner, Stéphane Aubier et Vincent Patar, sorti le 12/12/2012 en
France. C'est une adaptation libre de la série d'albums pour enfants Ernest et Célestine de Gabrielle Vincent
(écrivaine et illustratrice belge, 1928-2000 - 27 tomes parus entre 1981 et
2003) dont le scénario est signé Daniel Pennac. Le film est une réinvention de
la rencontre initiale entre Ernest, l'ours, et Célestine, la souris.
Ernest et Célestine est le premier
long-métrage de Benjamin Renner, qui sortait tout juste de l'école d'animation
La Poudrière à Angoulème lorsqu'il rejoint l'équipe du film.
Vincent
Patar et Stéphane Aubier, tous deux belges et réalisateurs de films
d'animation, travaillent ensemble depuis 1988. Ces deux auteurs-réalisateurs de
film d'animation se sont rencontrés à l'Institut des Beaux-Arts de Saint-Luc à
Liège et ont notamment cosigné Panique au
village en 2009.
Le
film sera fait en 5 ans : c'est en décembre 2007 que les droits sont achetés
par Didier Brunner, le producteur, puis un pilote d'animation est lancé : sa
fabrication durera un an. La recherche des financements durera jusqu'en avril
2009 et ensuite de mi-2009 à mi-2010 l'essentiel du travail porte sur le
storyboard. L'animation durera un an et demi (Benjamin Renner précise que "
sur un film d’animation, on ne met en boîte que quelques secondes chaque jour,
au mieux une minute quand on atteint un rythme de croisière et que quinze
animateurs travaillent de concert."[1]),
soit jusque fin 2011, puis la post-production durera un an.[2]
- La technique du film
Ernest et
Célestine est
un film d'animation en 2D, type "dessin à la main". Les décors ont
été réalisés en aquarelle sur papier comme en témoignent les dires de Benjamin
Renner : "On a fait les décors à l'aquarelle, parce qu'on voulait voir la
texture du papier. ça n'aurait pas marché à l'ordinateur. Je voulais qu'il y
ait des erreurs dans les décors. Et le problème avec les ordinateurs, c'est que
quand on fait une erreur, on a tendance à la corriger. Je ne voulais pas
ça."[3]
Les
personnages, eux, ont été dessinés sur tablette, à la main, puis animés à l'ordinateur
(animation avec le logiciel Adobe Flash).[4]
L'ensemble
de l'équipe d'animation, soit une quinzaine de personnes travaillaient dans une
même pièce, à la demande de Benjamin Renner : "La première chose que j'ai
demandé au producteur a été qu'on réalise toute l'animation dans le même
bureau, que tous les décors soient réalisés au même endroit, afin qu'il y ait
une unité dans notre travail."[5]
- Analyse des thématiques et sous-thématiques du film
THEMATIQUES
ET SOUS THEMATIQUES
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THEME
PRINCIPAL : Une amitié "à toutes épreuves"
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Sous-thèmes
: l'attachement qui unit Ernest et Célestine, le sens du
"sacrifice" des deux héros qui se protègent l'un l'autre, la
relation développée par les deux protagonistes, l'entraide, le soutien,
l'engagement...
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THEME PRINCIPAL : La
lutte contre les préjugés
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Sous-thèmes
: Une affection atypique (entre Ernest et Célestine), le courage de dépasser
ses peurs et préjugés, les préjugés de chaque communauté l'une envers
l'autres...
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THEME PRINCIPAL
: La peur de la différence
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Sous-thèmes : Deux communautés qui se
rejettent, la peur de l'autre, la construction du stéréotype (avec le conte
du "Gros méchant ours")...
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UN THEME QUESTIONNé
INDIRECTEMENT PAR LE FILM :
L'adaptation d'un univers
d'albums illustrés au cinéma
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Sous-thème
: le travail d'adaptation des personnages, décors, types de traits, liens qui
unissent les personnages...
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- Les personnages
Célestine
est une souris orpheline qui doit travailler à aller chercher des dents dans le
monde des ours. Elle se distingue des autres souriceaux orphelins en ce qu'elle
ne croit pas en le "mythe" du "Gros méchant ours" et se
rêve amie avec un ours (les ours terrifient les souris et sont considérés
d'emblée comme leurs ennemis). Célestine
est donc solitaire, et se démarque des autres, car elle ne partage pas leur
peur, leur croyance et n'adhère pas au mythe collectif. C'est en montant
dans le monde des ours remplir sa mission que Célestine va rencontrer Ernest.
Ernest
est un ours mal léché qui vit isolé dans la campagne, seul. Il se réveille un
jour, affamé et se met en quête de nourriture. Ernest est un saltimbanque, lui aussi solitaire car il est mis au ban
de la société des ours (qui valorise beaucoup le commerce et les profits ) :
Ernest est un artiste, visiblement sans le sou. Très vite ses instruments
de musique lui sont confisqués par la police, et malgré sa volonté de gagner un
peu d'argent pour se payer à manger, il va être contraint de faire les
poubelles et d'illustrer le mythe du "Gros méchant ours" à savoir que
quand un ours a très faim, "il mange n'importe quoi". C'est ainsi
qu'il fait la connaissance de Célestine.
Les
deux personnages principaux ont ceci en commun qu'ils sont tous les deux
solitaires, l'une (peut-être) abandonnée, et l'autre qui s'isole. Et ils sont
tous deux mis à part au vu de leurs conditions : Célestine se rêve amie avec
celui qui terrifie sa communauté, l'ours, et Ernest est un poète, musicien, ce
qui détonne avec le reste des ours qui aiment à faire du profit comme le roi du
sucre.
Plus
généralement, il peut être intéressant de rappeler les sens symboliques des
ours et souris.
L'ours
: "Il a été traditionnellement l'emblème de la cruauté, de la sauvagerie,
de la brutalité. mais (...) l'ours peut être dans une certaine mesure
apprivoisé : il danse, il jongle. (...) Il symboliserait en somme les forces
élémentaires susceptibles d'évolution progressive, mais capables aussi de
redoutables régressions."[6]
La
souris : "Animaux chthoniens, elles symbolisent la phase souterraine des
communications avec le sacré".[7]
Chez
les souris il y a d'autres personnages : La Grise, sorte de nourrice des
souriceaux orphelins, qui les abreuve d'histoires effrayantes à propos des ours
et voit d'un mauvais œil la tendance de Célestine à douter de ses histoires.
Le
dentiste, qui semble avoir une position hiérarchique supérieure puisque c'est
lui qui punit Célestine quand elle ne ramène qu'une dent. (Il incarne donc
d'une certaine façon les règles et traditions du "monde souris" et
semble avoir le droit de punition et de récompense sur les autres membres de la
communauté.)
La
secrétaire, sorte de contremaître à qui les souriceaux qui récoltent les dents
rendent des comptes.
Le
patient souris/avocat. Le juge souris, les policiers rats (sorte d'entité
uniforme et inquiétante) et les souriceaux.
Du
côté des ours : le "Roi du sucre" incarne à la fois le modèle
patriarcal ours (il dirige son magasin, sa maison, est le père fort qui doit
lutter contre la souris, et fait l'apologie du commerce et du profit à son
fils). Ce personnage fonctionne avec sa femme, qui représente elle aussi une
réussite professionnelle car à eux deux ils créent l'offre et la demande (il
vend les bonbons qui abiment les dents et sa femme les dents qui permettent de
continuer à manger des bonbons).
Léon,
leur fils, victime de l'ironie de la situation : il n'a pas le droit aux
bonbons alors que c'est son père qui les vend afin de ne pas devenir un client
de sa mère...
Les
policiers ours, qui ne brillent pas par leur efficacité et leur intellect. Et
le juge ours.
- Les décors et environnements : monde des souris versus monde des ours
Les
décors du film sont fait en aquarelle ce qui leur donne à la fois un aspect
doux, tendre et parfois "fouillis." Ils sont basés pour certains sur
les dessins de paysage faits par Gabrielle Vincent.[8]
LE MONDE DES
SOURIS
De
manière général le monde des souris est plus sombre, plus fermé que celui des
ours. Il est complètement souterrain ce qui à la fois justifie sa luminosité
moindre et les lieux qui nous sont donnés à voir sont également
"sombres".
L'orphelinat tout d'abord dont le dortoir
semble gigantesque, à demi baigné d'obscurité et très haut de plafond, éclairé
à la bougie, dégage d’emblée un sentiment d'austérité, de froideur. Le manque de
liens affectifs s'y ressent dès la séquence d'introduction du film.(Sans
compter que la Grise dirige les souriceaux avec des claquements de mains, les
faisant se mettre au garde à vous et enchainant les actions de manière quasi
militaire ce qui renforce ce sentiment de droiture et de froideur). Les ombres
également, qui transforme l'orphelinat en sorte de lanterne magique projetée,
sont inquiétantes.
Les égouts qui mènent hors et dans le
monde des souris sont aussi sombres, et bien que propres, ne semblent pas très
agréables.
Les rues de la
ville souterraine,
semblent plus chaleureuses, baignées d'une lumière un peu jaune, animées par
les marchands de rue et jalonnées d'inventions ou de parcours originaux (la
sorte d'ascenseur pour le pont par exemple), bien que l'ensemble reste dans des
tonalités marrons. L'endroit le plus éclairé s'avèrera être la clinique.
La clinique, quant à elle, est aussi
constituée d'espaces gigantesques. Très blancs, très froids,
"cliniques" justement où tous les gestes, de la sélection d'une dent
à son envoi, semblent méthodiques.
De
manière générale le monde des souris semble assez austère et extrêmement
organisé. C'est un monde volontairement méthodique qui laisse peu de place à la fantaisie et où le
destin des personnages est tout tracé. Il met en avant le personnage de
Célestine puisque celle-ci ne lui correspond pas : rêveuse, artiste, Célestine
y refuse son destin tout tracé avec d'autant plus de véhémence qu'elle n'accepte
pas les codes du monde dans lequel elle évolue.
LE MONDE DES OURS
Le
monde des ours n'est pas beaucoup plus chaleureux au départ : la maison d'Ernest qui nous est montrée
semble sombre, remplie de bric-à-brac et peu entretenue. Et il neige dans le
monde des ours...ce qui n'est pas très "engageant" non plus.
En
revanche, la maison du roi du sucre apparait
tout de suite comme chaleureuse (tons jaunes) et familiale (jouets d'enfant,
parents qui semble a priori bienveillants), cave remplie de bonbons...
Les rues de la
ville au
départ sont très blanchies, froides et avec très peu de contours donnant l'impression
que tout est ouvert sur un grand "néant blanc".
Dès
l'instant où Ernest et Célestine s'installent ensemble, la maison de ce dernier s'illumine : elle semble plus chaleureuse,
plus lumineuse et aussi plus rangée. Elle évolue comme son propriétaire qui
petit à petit sort de sa solitude.
Enfin,
dans le monde des ours, le printemps arrive et là les décors se parent de
couleurs, deviennent de plus en plus lumineux...Jusqu'à l'embrasement final
dans les deux tribunaux, où les
teintes rouges inquiétantes cèderont la place au monde des ours redevenu lumineux.
Puis au deux personnages dans les bras l'un de l'autre, baignés de blanc, sans
décor, tout à leurs retrouvailles.
La
fin du film revient à la maison d'Ernest,
lumineuse et colorée, comme lorsque lui et Célestine avaient commencé à vivre
ensemble dedans.
- Analyse de la séquence d'introduction du film
Le film s'ouvre sur des dessins, dont
on ne sait pas de qui ils sont l'œuvre. Puis une main apparait, qui trace les
traits et Célestine enfin, toute entière dans le cadre sur fond blanc gris
comme seule au monde. Ainsi la solitude,
qui peut aussi être interprétée comme la propension du personnage à se mettre
dans sa bulle quand elle crée, est visible, très clairement, dès les premières
images. Puis les autres souriceaux apparaissent progressivement, pour nous
permettre de découvrir Célestine, assise sur son lit, entourée de ses
congénères qui commentent son dessin.
Cette
phrase "il est raté ton dessin, un ours et une souris, c'est pas
possible" pose le contexte directement : il semble clair dès cet instant que pour des raisons qui nous sont
encore inconnues ours et souris ne peuvent pas cohabiter, ni être amis.
S'ensuit
un plan large du dortoir. Si rien n'est indiqué sur le type de lieu dans lequel
nous sommes, l'idée que c'est un orphelinat apparait rapidement : l'endroit est
dépersonnalisé, rien ne marque l'idée qu'il soit convivial... ce pourrait aussi
être un internat. L'espace est grand bien qu'entièrement clos, haut de plafond
et uniquement éclairé à la bougie, ce qui lui confère quelque chose
d'inquiétant. Seuls des lits, des tables de chevet et une unique armoire le
meuble. Et il s'y trouve aussi une estrade, avec un fauteuil vide. Cette image n'est pas sans rappeler
l'imagerie de certains contes : on croirait les souriceaux enfermés dans une
tour, plutôt vétuste, dans l'attente de leur geôlier.
Les
souris sont en effet toutes tournées vers la porte d'entrée... à l'affût de
quelque chose, ou quelqu'un qui ne nous est pas visible. Le plan qui suit, nous montrant tous les souriceaux la face tournée
vers la caméra, nous indique implicitement que quelque chose observe les
occupants du dortoir. Il est évident qu'un personnage va faire son entrée. Le mouvement avant de la caméra appuie
encore cette sensation créant une tension qui donne l'impulsion aux mouvement
des souriceaux qui courent ensuite vers leur lit. Des pas approchent, et
même si nous, spectateurs, ne savons pas de quoi il s'agit, il semblerait que
cela soit assez menaçant pour que les personnages anticipent ses demandes.
La
porte du dortoir s'ouvre sur une ombre, puis apparait la Grise, que nous allons
découvrir comme étant la nourrice des jeunes souris. L'imposante figure
d'autorité tape alors des mains, sans dire un mot et toutes les souris se
mettent au lit. Puis elle tape encore et chacune souffle sa bougie (sauf une
souris visiblement empêchée de souffler sa bougie par une incisive
récalcitrante). La mécanique quasi
militaire de cet enchainement de mouvement renforce encore la sensation de
froideur que dégageait les lieux.
Dans
une suite de champ/contrechamp la Grise commence à raconter l'histoire du
"Grand méchant ours", après avoir remis une de ces dents en place. A
chaque plan de la nourrice correspond un plan d'un enfant, caché sous ses
couvertures, ou l'air craintif, qui répond à une question posée par celle-ci.
Tout semble orchestré pour maintenir un état de crainte et de peur chez les
jeunes sujets : l'histoire du "Grand méchant ours" contée à la
lumière vacillante d'une lampe à huile semble être une histoire "à faire
peur".
Puis
la "magie" de l'histoire opère et l'ombre de la nourrice projetée sur
le mur mime un monstre inquiétant : le
dortoir se transforme en théâtre, en lanterne magique projetée et les angoisses
des souriceaux prennent corps dans ces ombres distordues et inquiétantes.
L'ombre est de plus en plus présente dans la pièce qui n'est plus qu'éclairée
par la lanterne agitée par la nourrice.
S'ensuit
alors un "affrontement" entre la Grise et Célestine. La première est
réunie dans le même cadre qu'un souriceau pour la première fois depuis le début
: c'est la preuve que son histoire n'a
pas la même emprise sur Célestine que sur les autres. Célestine, elle,
doute de la véracité de l'histoire et exprime ses doutes ouvertement. Le cadre se rapproche, enfermant encore
plus les deux personnages dans leur affrontement : plus moyen de se
soustraire ni pour l'une ni pour l'autre. La Grise doit attester de la véracité
de ses propos, ce qu'elle ne parviendra pas à faire, et Célestine est
cataloguée comme étant celle qui doute. Le cadre s'éloigne à nouveau : la
tension redescend d'un cran car la Grise ne parvient pas à argumenter (on
apprend au détour de sa réponse que Célestine est bel et bien orpheline). Et le
cadre s'agrandit encore tandis que la nourrice s'embourbe et "noie le
poisson", tout comme son histoire se noie dans ses tentatives de sauver la
face. Le dessin de Célestine vient sauver la raconteuse d'histoire : il
détourne l'attention de tous, personnages comme spectateurs, sur Célestine dont
on sait qu'elle en est l'auteur, ce que ne tardera pas à deviner la Grise.
La
"gardienne" revenue à sa place sur son estrade, le cadre redevient
très large laissant apparaître la pièce de nouveau lugubre, trop grande,
disproportionnée... comme si une menace de taille disproportionnée par rapport
aux souris veillait ?
Puis
la Grise perd son incisive...Et le monde rôdé et quasiment militaire de
l'orphelinat s'embourbe : les souriceaux ne sont plus captivés car la
surveillante n'est plus compréhensible avec une dent en moins, et l'ambiance
glacée, et très organisée laisse la place à un beau désordre. Voilà qu'une
bataille de polochons éclate. A laquelle s'ajoute une surveillante qui a perdu
toute crédibilité et qui tente de faire revenir l'ordre. Trop tard : l'équilibre précaire du monde de l'orphelinat vacille et sa
belle organisation s'effondre... présage de ce qui va advenir par la suite au
monde des souris ?
On
retrouve alors Célestine qui apporte la touche finale à son dessin, attestant là
qu'elle ne perd pas son idée/objectif de vue : sur son dessin l'ours et la
souris sourient.
Le
titre du film et le générique apparaissent, suivant le trajet d'une petite
plume qui monte, monte... jusqu'à aller se poser sur un monticule de neige dans
le monde au dehors. Monticule qui s'avèrera être un toit...!
Cette
première séquence, son ouverture en tout cas, est une belle mise en abîme : Célestine
dessine, tout comme le réalisateur du film qui est sensé être celui nous
racontant l'histoire. Ici c'est la preuve directe que la petite souris va mener
le récit à l'intérieur du film : en effet, c'est Célestine par ses actes, ses
décisions qui va impulser les différentes avancées de l'histoire, amener les
péripéties, faire évoluer les personnages. C'est aussi un moyen de nous faire
comprendre que c'est sur Célestine, son caractère impétueux et entêté, que va
reposer en grande partie la dynamique de son tandem avec Ernest.
Lequel
Ernest sera présenté dans la seconde séquence du film : au cœur de sa maison,
isolé. Ernest dont la motivation a sortir ne sera pas le rêve d'une amie
souris, mais la faim.
- Quelques remarques sur le film :
Des scènes qui se répondent...
Dans
le film plusieurs scènes se font écho : lorsque la Grise perd sa dent et
n'arrive plus à parler correctement, le calme et l'ordre qui règnent dans le
dortoir cèdent la place à une bagarre généralisée après un échange entre les
souriceaux. Le même dialogue se tiendra dans le tribunal des souris lorsque
l'avocat perd sa dent, mais entre les jurés cette fois. L'avocat qui ne peut
plus s'exprimer correctement perd l'attention du jury qui se bagarre, comme les
souriceaux de l'orphelinat.
Les
séquences de cauchemars se répondent également : celle de Célestine est noire,
sombre, inquiétante, tandis que celle d'Ernest, presque joyeuse et très colorée
devient inquiétante sur la fin. Quoi qu'il en soit chacun des héros a sa
séquence de cauchemar.
Les
séquences où les deux héros sont en prison aussi sont des répliques identiques,
à ceci près que les personnages ne sont pas dans la même position : Célestine
est recroquevillée sur elle-même, allongée, toute petite dans un décor adapté à
la taille des ours, montrant son impossibilité de se défendre ou d'agir face au
gigantisme environnant, et Ernest lui confiné, replié mais assis, dans une
cellule trop petite pour lui. Ces scènes sont identiques car le même dialogue a
lieu entre le geôlier et son prisonnier puis s'en suit la scène où les
personnages découvrent les châtiments qui les attendent.
Les
procès aussi, en montage alterné cette fois, se répondent, ainsi que les
sauvetages des juges.
Dès
l'instant où les personnages sont faits prisonniers, toutes les séquences, si
semblables, et alternées ne font qu'accentuer leurs ressemblances, tant dans
leurs qualités (sens de la justice, volonté de se protéger l'un l'autre...) que
dans leurs volontés : les deux héros ont le même désir de se retrouver et de
pouvoir rester ensemble. C'est d'ailleurs après le sauvetage du juge souris,
qui intervient en premier qu'Ernest pourra manifester à son tour le désir
d'être avec Célestine, comme en écho au début du film où la petite souris
manifestait son désir de se découvrir un ami ours.
... Et des histoires de dents
Les
dents ont une place prépondérante dans le film : pour les souris car elles sont
leur plus grand atout (comme le rappelle le dentiste-chef) et leur plus grande
faiblesse (sans, les souris ne peuvent plus communiquer, se nourrir...). Les
dents d'ours apparaissent vite comme la quête perpétuelle des souris (puisqu'elles
leur permettent de remplacer leurs propres dents et de rester vivantes), mais
aussi des ours (les ours gourmands perdent leurs dents et ont besoin d'autres
dents pour remplacer les leurs...).
Célestine
qui semble se désintéresser des dents dès le début, et qui ne veut pas être
dentiste (ce qui semble inconcevable pour ses pairs) apparaît donc d'emblée
comme "déconnectée" de son monde...et pourtant, de manière assez
ironique, ce sont les dents qu'elle verra en premier lieu chez Ernest ! Ses
grandes dents pointues et menaçantes, sur fond blanc, sans décor, lorsqu'il
s'apprête à la manger.
- CONCLUSION
Ernest et
Célestine est
donc une sorte de conte, pas dans sa construction, mais dans ce sens que le
film nous raconte une histoire tendre, pleine de poésie où contre toutes
attentes les héros arrivent à vaincre les préjugés, et à pouvoir choisir leur
destinée.
Au
début, l'histoire qui nous est narrée
fait quelques emprunts à des contes de fée : "Le grand méchant
ours" sorte de paronyme du "Grand méchant loup", au devant
duquel va notre Célestine vêtue d'une cape rouge pendant la première moitié du
film, peut référer au Petit chaperon
rouge s'il est besoin de le citer. De même "la petite souris du
conte" est énoncée clairement dans la maison du roi du sucre pour
convaincre Léon de laisser sa dent sur la table de chevet (il y a là une mise
abîme du conte dans le conte, presque).
Puis
dès que Célestine s'installe chez Ernest, c'en est fini des références à
d'autres contes, l'histoire trace alors sa propre voie car à leur manière les
deux personnages ouvre le chemin à de nouvelles perspectives : ours et souris
peuvent vivre ensemble, s'apprécier. Ils prouvent ainsi à leurs communautés
respectives que l'autre érigé en ennemi, mystifié dans sa position d'ennemi même,
n'est en fait pas si terrifiant une fois qu'on l'a appréhendé sans préjugés.
[1] in « Ernest
et Célestine » : cinq ans de boulot pour une merveille d’animation [archive],
article d'Olivier de Bruyn sur Rue89 le 11 décembre 2012. Page consultée le
04/03/2015.
[2] ib.
[3] in Le
making-of de "Ernest et Célestine", , page consultée le
04/03/2015
[4] ib.
[5] ib.
[6] in CHEVALIER J.;
GHEERBRANT A, DICTIONNAIRE DES SYMBOLES,
Robert Laffont/Jupiter, Paris, Février 2012, p. 831
[7] ib, p.1045
[8] in Entretien
avec Benjamin Renner (seconde partie) [archive],
propos recueillis par Pascal Pinteau sur le site Effets spéciaux le 17 décembre
2012]. Page consultée le 04/03/2015.
Bonjour,
RépondreSupprimerL école de la Poudrière qu'a fait Benjamon Renner est à Bourg-les valence dans la Drôme.