mardi 4 novembre 2014

Animation "Little Bird" du 04 octobre 2014

ANIMATION AUTOUR DE
LITTLE BIRD DE Boudewijn Koole


v  Présentation du film

Little Bird est un film hollandais, le premier long métrage destiné au cinéma de Boudewijn Koole, sorti le 21 novembre 2012. Little Bird, de son titre original Kauwboy, a été vendu dans quatorze pays et a remporté plus de 30 prix dont le prix du meilleur premier film - Prix du Jury de la Section Génération au festival de Berlin, qui est un des 5 festivals les plus prisés au monde.

Un mot sur l'auteur : Boudewijn Koole est réalisateur de documentaires et producteur chez Witfilms. Il vient du monde du design, puisqu'il a un cursus de design à l'université de Delft à son actif. Pendant 2 ans, il s'exerce à la télévision hollandaise et en faisant plusieurs films pour des institutions culturelles. Il signe plusieurs téléfilms notables, dont en 2007 Drawn out Love, sur un enfant à la recherche de son père.
Il accompagne également de jeunes réalisateurs, en tant que producteur, pour le développement, le filmage et le montage de leur films. Little Bird est son premier film de fiction.


v  Un mot sur le titre du film

En français le titre Little Bird signifie "Petit oiseau" : on ne sait pas qui du petit choucas élevé par Jojo ou de Jojo le petit garçon solitaire est nommé dans ce titre. A noter que le titre est au singulier... L'analogie entre l'enfant et l'oiseau, véritable métaphore filée, car jamais réellement avouée, se retrouve dans l'ensemble du film.
Le titre original, en revanche, laisse moins place au mystère, en effet "kauw" signifie choucas en néerlandais. Et l'emploi du mot boy pour garçon, nous donne comme titre un "Garçon-choucas" beaucoup plus clair. Ainsi le titre original du film désigne d'emblée Jojo, notre jeune garçon-oiseau, épris de liberté et qui semble voler tout au long du film, mais qui tel le petit oisillon fragile tombé du nid, à besoin d'un adulte pour veiller sur lui et l'aider à grandir.
De même la paronomase entre "kauwboy" et "cowboy" peut être exploitée dans l'analyse du film car Jojo, comme un jeune cowboy est libre, dans la nature : il y prend ses propres décisions, y vit ses aventures, y fait sa "propre" loi, comme l'image qu'à le cowboy dans l'inconscient collectif.
Il y a donc, dès le titre du film, un réseau de symboles intéressants à exploiter.


v  Analyse des thématiques et sous-thématiques du film (15 minutes)

THEMATIQUES ET SOUS THEMATIQUES
THEME PRINCIPAL : Le deuil
 Sous-thèmes : Le déni de Jojo de la mort de sa mère, l'éclatement de la cellule familiale, la distance entre le père et le fils, la colère du père...
THEME PRINCIPAL : La relation père/fils ou parents/enfants

Sous-thèmes : l'inversement des rôles de père et fils (Jojo s'occupe de son père comme s'il était responsable de lui), le quotidien de l'enfant (et le fait qu'il fait pratiquement l'ensemble des tâches de la maison, la cuisine...), l'absence de communication entre le père et le fils...
THEME PRINCIPAL : La relation entre l'enfant et l'animal
Sous-thèmes : L'amitié qui lit l'enfant et l'animal, la solitude de Jojo, Jojo en mère de substitution pour le petit choucas, le phénomène de transfert entre l'enfant et l'animal (Jojo voit en Kauwtje une incarnation de lui-même)
THEME PRINCIPAL : Le passage à l'adolescence
Sous-thèmes :: la naissance d'une idylle entre Jojo et Yenthe, l'évolution de Jojo d'un point de vue émotionnel (il apprend en quelques sortes à canaliser sa colère au fur et à mesure que le film avance), "l'apprentissage" du deuil, et l'acceptation de la mort...

v  Les personnages
Jojo : le petit garçon, un peu dodu, avec les cheveux en bataille, et un petit air sauvage. Il captive l'écran et est le personnage principal du film.
Le père de Jojo : de corpulence moyenne, peu de cheveux, une barbe de trois jours... le père de Jojo apparait très vite comme négligé et brutal. C'est un personnage très riche malgré les apparences : il est brutal tant dans ces réactions, que dans ces gestes et cependant il n'est pas de pierre. Il se révèle à la fin du film.
Yenthe : l'amie/petite copine de Jojo. Elle est celle par qui la vérité arrive. Elle fait grandir Jojo dans tous les sens du terme car c'est la seule au cœur du film qui va verbaliser la mort de la mère. Et en nouant une relation amoureuse avec Jojo, elle l'aide à évoluer émotionnellement.
Kauwtje : le choucas. Plus qu'un simple animal de compagnie, Kauwtjie est le miroir de Jojo. Fragile au début, il a besoin d'aide, comme le petit garçon. Puis il grandit, se fortifie... et aide l'enfant à faire de même, à se préparer à accepter une vérité terrible qu'il ne peut accepter au départ. Enfin sa mort, permet à Jojo de faire le deuil de sa mère. C'est finalement en acceptant que tous les êtres humains meurt, et que cela révèle toujours d'une terrible injustice, que Jojo pourra se retourner vers la vie et ne plus être coincé dans le fantasme du retour de sa mère.
        
v  ANALYSE POSSIBLE DU FILM
-ANALYSE DE LA SEQUENCE D'INTRODUCTION DU FILM
La séquence d'introduction du film est intéressante à analyser car elle est révélatrice du déroulement global du film à tout point de vue.
Du point de vue de la mise en scène, elle nous donne les clés pour comprendre la façon de mettre en scène de Koole. Elle nous permet de cerner son utilisation de la "grammaire" cinématographique, et nous donne une idée de sa façon de réaliser : poétique, gracieuse, douce...
Enfin, elle nous présente d'emblée les personnages principaux (Jojo, son père, Kautwjie), instaure leur liens et nous permet de comprendre comment ils vont fonctionner dans le film.
Il est important de noter que dans l'ouverture du film, rien ne permet de situer clairement l'action, ni dans l'espace, ni dans le temps. Cela donne un aspect intemporel au film et donne toute sa place de démiurge au réalisateur : Koole va nous raconter une histoire dont le lieu, et l'époque ont peut de sens car c'est avant tout un morceau du parcours initiatique d'un jeune garçon qui entre dans l'adolescence. C'est aussi son expérience du deuil, de l'amitié, de l'amour.

Le film commence sur un écran noir, et le dialogue d'un enfant et d'un homme autour d'une citation quasi biblique "Au commencement il n'y avait rien". On découvre celui que l'on pense être l'enfant qui parle, un petit blond faisant du trampoline enroulé dans un plastique en plan taille. Puis le dialogue continue "Tout était noir". De nouveau l'enfant apparait, en plan général/américain, mais cette fois il est flou, les feuilles au premier plan sont nettes. Et le dialogue dévie, dans toute la vitalité enfantine du jeune garçon "ensuite BOOOOM". Puis de nouveau passage au noir.
Ce début est intéressant : il replace Koole dans sa place de démiurge, en nous racontant la création du monde, on nous raconte aussi la création d'une histoire. Avant le réalisateur, il n'y avait rien, et puis Boom, vont apparaitre Jojo et son père dans leur vie quotidienne. Cela renvoie aussi poétiquement au cinéma : le cinéma sans lumière n'est pas car sans lumière pas d'image. Il y a là une belle mise en abîme de la création cinématographique, de l'histoire du monde et de celle du film. Quelque chose qui nous indique d'emblée que l'histoire racontée sera "universelle", dans son thème, qu'elle pourra englober tout le monde.

Lorsque la séquence suivante, dans la maison, s'ouvre, on voit un couloir : de chaque côté du cadre les murs viennent refermer encore l'écran, axant le regard sur la porte. La froideur du lieu est frappante. Puis un homme, dont on aperçoit qu'une partie du corps passe. L'indication donnée ici est primordiale, le film se fera à hauteur d'enfant. Le parti pris s'impose dès l'ouverture, c'est Jojo qui va mener l'histoire. Lequel est découvert en plan taille de 3/4 dos, non dévoilé, gants roses sur les mains en train de commencer la vaisselle. Cette scène sera emblématique de ce qui se passe entre Jojo et son père : l'enfant fait les tâches ménagères, sa place à la maison n'est pas la bonne. De nouveau le père, partiellement, puis Jojo dans sa cuisine qui se tourne et fait enfin face à la caméra, puis le père qui part, le mettant au défi et Jojo qui abandonne sa vaisselle pour une course effrénée.
Le père héros morcelé et Jojo qui tourne le dos au début sont révélateur de la relation qu'entretiennent père et fils : leurs rôles sont flous, l'enfant fait la vaisselle, le père invite au jeu. Le morcellement, les personnages vu de dos... tout ça empêche la confrontation, l'échange : il y a une froideur dans l'échange, et un évitement qui sont très marqués.
Par ailleurs Jojo est découvert de dos : il a quelque chose d'insaisissable qui se retrouvera tout au long du film, il se dérobe, difficile à cerner. Émotionnellement cela se retrouvera tout au long du film.

S'ensuit une course poursuite dans laquelle les personnages sont toujours insaisissables : le père dont on voit un bout de tête, et Jojo, que l'on découvre toujours partiellement, virevoltant, sautant, grimpant, courant. A noter que les plans de Jojo sont intercalés avec des plans d'oiseaux, de choucas (nous indiquant qu'il va se passer quelque chose avec un oiseau par la suite), sont alternés : la métaphore filée du film enfant-oiseau est instaurée dans les premières minutes.
Les plans, assez déstructurés sont aussi révélateurs de la déstructuration de la cellule familiale : moins de deux minutes de film et nous avons appris de nombreuses choses essentielles : le père est absent, ou peu présent, physiquement ou mentalement. Comment le savons-nous ? Nous ne le voyons pas entier dans la séquence d'introduction. De même le morcellement des plans le montrant par bout, nous indique aussi la situation dans laquelle il se trouve : émotionnellement il est absent et morcelé. Mais nous ne savons pas encore pourquoi.
Pour Jojo les choses sont différentes:  on le voit déjà comme un oiseau, virevoltant, libre, sautillant et joyeux malgré tout. Avec une force d'abstraction vive : il passe d'une chose à l'autre sans souci et semble plein d'imagination. Enfin, la fin de la séquence avec la victoire de Jojo nous révèle aussi quelque chose de leur relation : c'est l'enfant qui gagne, qui est plus solide que le père. Si le père révèlera dans la suite du film sa suprématie physique, il n'empêche que le fils est vif, futé et peut le vaincre sur certains terrains (il arrivera subtilement à lui cacher l'oiseau une semaine).
Enfin dans la mise en scène de la course, lorsque Jojo apparait dans la nature, la largeur des plans contraste avec l'exigüité des plans dans la maison. On comprend que Jojo trouvera sa liberté, et ce qui lui permettra d'évoluer hors de la maison, dans laquelle la petitesse des espaces traduit l'enfermement psychologique du père et du film lorsqu'ils sont ensemble.

Ensuite vient la rencontre entre les deux protagonistes : l'enfant et l'oiseau. D'abord Jojo est en plan large dans la nature, rappelant par là la supériorité de la nature sur l'homme tout petit, et aussi l'idée que la nature, l'univers, Dieu, ou quoi/qui que ce soit à des plans pour le petit personnage que nous voyons à l’écran... Quelque chose va lui arriver. La caravane va être introduite dans l'histoire, puis au détour de la forêt, l'oiseau. Jojo le recueille et essaye de le remettre au nid, via son t-shirt refermé en poche kangourou : il commence à materner l'oiseau et ce sera révélateur de sa personnalité dans le film. Il maternera son choucas, dans le but de s'en faire un ami pour la vie, tout comme il materne son père dans le but d'apaiser sa colère, d'éviter les conflits et de s'en faire un allié.
La séquence d'escalade est d'ailleurs très découpée : donnant un côté suspense à la scène (qu'arrivera t'il si Jojo tombe ?) Et comme en écho à nos questionnements c'est le petit oiseau qui rechute, faisant dire à Jojo qui le rejoint "T'es solide toi ", "toi" qui contient en lui-même un "comme moi" jamais dit dans le film mais que l'on ressent.

En 4 minutes 30 Koole a ouvert son film, nous a présenté les trois personnages principaux, et à éveiller aussi notre curiosité sur l'absence de mère (pourquoi n'est elle pas montré ?); il a posé les bases de son écriture cinématographique (utilisation de plan large dehors lorsque l'enfant est libre, et de plans serrés à la maison, là où l'enfermement psychologique des personnages est palpable). Et il a débuté la relation entre l'enfant et l'oiseau.


- Analyse plus "large" de la suite du film (et éléments d'analyse sur les lieux et personnages) :
Suite à cette scène, nous découvrons Jojo et le choucas à la maison : une enfilade de planstaille, resserrés, cernés par des murs se succèdent. Une mise en abîme toujours du personnage, mais aussi une façon de souligner l'exigüité des lieux. Jojo fait faire le tour du propriétaire à son choucas, comme à un copain/petit frère en lui donnant des conseils et ordres, probablement ceux qu'il entend de son père. Et à la première évocation de la mère, le morcellement revient (plan vu du sol des jambes de Jojo) : de nouveau la déstructuration des plan nous montre que quelque chose est cassé, n'est plus établi dans la dynamique familiale. L'absence de la mère a déstructuré la cellule familial. C'est aussi là que Jojo édicte la "loi de son père" : pas d'être humain en dehors d'eux dans la maison.
Puis lorsque Jojo parle de sa mère au choucas, c'est un gros plan en contre-jour. Symboliquement le contre-jour est un moyen de signifier le clair-obscur dans l'esprit du personnage : ainsi cette séquence nous indique clairement que le positionnement du petit garçon vis à vis de sa mère n'est pas clair. De plus, cela nous empêche de voir son visage.
On découvre alors Jojo dans une succession de plans en train de se brosser les dents, d'aller se coucher... le tout seul, en plan rapproché, et parfois réunis avec le choucas, petit être fragile auquel Jojo porte une attention particulière (celle qu'on ne lui porte pas). C'est aussi la première "intrusion musicale de la mère".
Et au réveil, Jojo comprend comment communiquer avec son oiseau.
On découvre enfin le père, lorsqu'il dort, (le seul moment où son fils peut l'approcher sans crainte ?). L'enchevêtrement des plans, photos, plans de la cuisine, discussion avec la mère... tout cela ne nous permet pas de faire la chronologie de ce qui se passe à ce moment... Ce que l'on en retire c'est que le petit garçon qui semblait si assuré en se brossant les dents, si indépendant, rêvent de se blottir dans les bras de son père sans que celui-ci l'en chasse et qu'il appelle sa mère dès le réveil pour lui raconter ce qui lui arrive.
C'est aussi le premier moment où l'on voit père et fils réunis, dans un cadre assez élargi comme si la paix ne pouvais advenir que lorsque le père dort.
Tout cela fait écho à la scène de la bataille entre père et fils... tout débute doucement (en écho aux images violentes vues à la télé) puis la violence monte crescendo et on sent que l'enfant ne joue plus. Première claque du père...regard frondeur du fils. On comprend alors, que plus qu'une absence de communication il y a un vrai ressentiment de Jojo pour son père, quelque chose cloche dans leur relation.
Et c'est l'entrée en jeu de la violence, qui ne fera qu'augmenter : une claque, Jojo se bat, un coup plus violent, Jojo frappe le casier puis son entraineur, enfin la gifle à Yenthe... jusqu'à ce qu'à la fin, lorsque l'on croit que le père va encore une fois s'énerver, il reprenne finalement la place du père consolant son fils.
La piscine : la piscine est un peu le lieu où les tensions s'évacuent, où la violence sort pour Jojo... puisqu'il ne peut réellement affronter son père, il se tourne vers ceux qu'il peut affronter : les autres garçons, les casiers... Dans l'eau Jojo semble libre (et l'eau est souvent lié à la maternité, la gestation...) c'est aussi par l'eau que Jojo évoluera pleinement puisqu'il rencontre Yenthe dans son équipe de Waterpolo. C'est le premier visage souriant du film, en dehors de la photo de la mère. C'est aussi à la piscine que Jojo trouve du réconfort (avec la victoire notamment !).

Yenthe : Yenthe qui n'apparait pas entière au départ, puis cadrée avec Jojo, le dominant mais lui souriant. Le traitement que le réalisateur fait à Yenthe est particulier aussi : elle apparait pratiquement toujours avec Jojo dans le cadre. Ils sont souvent réunis, et l'on voit beaucoup son visage, leur proximité est évidente dès la rencontre. Et c'est aussi à la piscine que le baisé "volé" à lieu (récupération du chewing gum). Quand Yenthe est à la maison et que le père arrive dans la chambre, il est en contre-plongé : l'adulte domine les enfants.  Et ils sont opposés : enfants d'un côté, adulte de l'autre.

Le seul moment où l'on retrouve ce traitement de l'image : cadre exigue, mise en abîme (entre les palissades) c'est le moment où Jojo doit rendre sa liberté à l'oiseau, découvert par son père. Père et fils sont ensuite réunis dans la voiture (endroit exigu), avec tension palpable et de dos, pour rendre encore plus la froideur qui les habite.

Le film de manière général est très lumineux, très bleuté, avec des touches de vert... les couleurs et la lumière sont douces. Sauf dans la séquence de la nuit, celle où Jojo s'en va retrouver son oiseau et qu'il l'emmène dans le studio de sa mère pour la première fois.
Le studio : La pièce est fermée, sans fenêtre (c'est un studio donc c'est normal), mais aussi laissée "tel quel". C'est à la fois un endroit où Jojo peut se réfugier (il semble que le père n'y aille pas), où il est à l'abri, et plus tard dans le film, on comprend que c'est aussi une sorte de tombeau, de pièce témoin. Deuxième intrusion musicale de la mère marquant encore le rapprochement entre l'oiseau et l'enfant.

Jojo qui a récupéré son oiseau tente alors de l'éduquer... puis crâne avec devant ses copains.
Lorsque Jojo tire avec son père, celui-ci est étêté en permanence, sauf lorsque Jojo touche sa cible : encore une preuve de la froideur de leur relation...   
Et de nouveau, tâche ménagère, violence, piscine, prendre soin de l'oiseau, piscine... et Jojo qui évolue. Et toujours cette utilisation des cadres fermés pour traduire l'enferment dans la colère, la violence... le morcellement des corps...



Le film est basé sur une certaine répétition qui permet d'entériner les choses : Jojo fait les tâches ménagères, s'occupe de l'oiseau, va à la piscine, rentre et s'occupe des tâches (ou de passer derrière son père), s'occupe de l'oiseau, et ainsi de suite. C'est l'itération de toutes ces situations qui permet de construire le récit.C'est aussi toutes les petites choses qui changent à chaque répétition qui nous montre l'évolution des relations, des personnages, et des situations.

C'est après la convocation du père par l'entraineur de water polo que celui tente de retourner vers son fils, et cela se traduit par la réunion des deux à l'écran, lors du diner. Et l'arrivée de la phrase que l'on retrouve dans l'incipit... peut-être alors ce moment n'est pas encore arrivé entre père et fils... Peut être le tout début du film, l'échange sur le commencement et Jojo faisant du trampoline sont ils la résultante de tous les événements arrivés tout au long du film ?

S'en suit, après ce diner et la demande de Jojo de faire un gateau pour l'anniversaire de sa mère, le retour du père à la musique, puis la scène de la voiture. Conduite violente, qui nous amène à penser que le père est sur la brêche et voudrait peut être mourir.
Et après toutes cette noirceur, la scène entre Yenthe et Jojo vient adoucir le tout.Ils sont souvent réunis dans le cadre, jouant, courant, Jojo donnant une bague à Yenthe et vient la révélation de la mort de la mère. Jojo et Yenthe, se giflent l'un après l'autre dans un champ/contrechamp les opposant, pour la première fois, de manière franche (lorsque le père est violent, on ne voit pas sa tête car la relation père fils n'est pas basée sur une égalité alors que la relation avec Yenthe fonctionne sur une égalité.)
Vient alors le dernier coup de fil : juste un bonjour à sa mère, un baiser sur le téléphone. Dans une pièce sombre mais le visage est éclairé, particulièrement du côté visible pour le spectateur (l'inverse de la scène où Jojo présente sa mère au choucas ), nous faisant comprendre qu'il y a eu une évolution entre ces deux moments... le déni descend doucement.

La scène où Jojo chante un joyeux anniversaire à sa mère est également très intéressante : pour une fois l'enfant domine le père dans le cadre. Construite sur des champ/contrechamp cette séquence met l'enfant en contreplongée (position de domination, qui grandit) et le père en position de plongée (dominé, et minoré à l'image). Le père est désemparé. On voit qu'il contient sa rage, mais la disposition des personnages dans le plan nous montre que pour une fois c'est Jojo qui domine psychologiquement cette scène, c'est sa souffrance qui dirige l'ensemble et plus celle du père qui jusque là prenait toute la place. Le père contient sa rage contre son fils et la reporte contre le choucas. Ils sont alors réunis au cadre dans la bataille. 
C'est alors que Jojo fuit, et qu'une seconde séquence nocturne arrive. Jojo, furieux, et malheureux part à la recherche du choucas et s'en va dormir dans la caravane... où une main vient tendrement le border. Peut-être est-ce celle de sa mère ? Peut-être la caravane, lieu neutre, presque réconfortant qui n'est ni la maison (lieu de l'enferment), ni le dehors (lieu de liberté), ni la piscine (lieu d'apprentissage), ni le studio (lieu de recceuillement)) est le seul endroit où Jojo peut dire adieu à sa mère.
Les retrouvailles entre l'oiseau et l'enfant sont aussi bercées par la musique de la mère... renforçant encore le lien invisible entre le rapport qu'à Jojo avec l'animal, et celui qu'il a encore avec sa mère, puisqu'il n'y a qu'avec l'oiseau qu'il a pu partager des choses sur sa mère.

Enfin, séquence de violence ultime, Jojo qui brandit la pierre au dessus du pont, sur la route (le père étant indirectement lié à la mort de l'oiseau : il l'a libéré et a prophétiser la mort de l'oiseau en expliquant que son rapport à Jojo le tuerait), le télescopage entre les images de Jojo et la dalle et de la nuée d'oiseaux (tumultueuse, tournoyante, bruyante) et qui reflète l'état émotionnel de l'enfant est intéressante.

Puis c'est le moment où père et fils se retrouve finalement : lorsque le père court après Jojo, on voit sa tête. Il est pleinement présent, il reprend sa place d'adulte. Et lorsqu'il le rattrape il se met à sa hauteur, restant ainsi visible. Jojo est alors violent et son père, reprenant véritablement sa place d'adulte ne réagit par la violence mais par l'amour, en lui demandant pardon. Et c'est dehors que les deux se réunissent.
S'ensuit la préparation de l'enterrement où le père refait de la musique pour son fils... où ils sont réunis dans le cadre, tous deux visibles, dans des cadres plus posés, qui bougent moins. Et l'enterrement où Yenthe est présente. Père et fils s'y retrouvent, toujours dehors, proches comme dans le lit. Et tous trois s'éloignent entièrement visibles. Le père porte son fils. Et tous deux dans la voiture (lieu confiné) mais de face et ensemble tourne en voiture...

La mort de l'oiseau, bien que tragique, aura eu le mérite de permettre à Jojo d'entamer son deuil, d'accepter la mort de sa mère et de retrouver sa place d'enfant. De même pour son père qui finalement reprendra sa place d'adulte, abandonnée pendant trop longtemps.      
Enfin, dans une ultime séquence, revient cette phrase du commencement, entre Jojo et Yenthe, cette phrase initiatrice, qui se dit au début du film, entre père et fils au diner où ils commencent à se retrouver, puis entre les deux enfants/ados amoureux à la fin.


POUR ALLER PLUS LOIN
Le dossier de Donald James, sur le site des Films du Préau.
Selon Donald James, le film est un conte initiaque, une fable initiatique puisque les scènes de la vie quotidienne se répète, sont des variations,  et que comme dans le conte le héros doit traverser une série d'épreuve : ici la mort de la mère, la violence (le déni ?) du père, l'angoisse de séparation, de l'abandon et de l'absence. Dans les contes le héros doit traverser des épreuves et vaincre des monstres, tout comme Jojo le fera à sa manière dans le film.



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